SURVIVALISME
Un ouvrage de fond sur le mouvement, pas un manuel de techniques de survie, mais un livre éclairant et vital pour l’échange d’idées !
Présentation de l’éditeur :
Réchauffement climatique, pandémie mondiale, tsunami géant, accident nucléaire, black-out généralisé et même… invasion zombie. Parce que les désastres à venir sont aussi nombreux qu’inéluctables, des individus se préparent. Ils entassent des réserves de nourriture, construisent des abris, achètent des armes et s’exercent à la survie en milieu sauvage. Du cinéma à la téléréalité, les industries culturelles se sont emparées du survivalisme, le propageant comme un virus à la culture mainstream, tandis qu’une véritable économie internationale se met en place. Le temps est venu de décrypter ce phénomène qui s’amplifie de jour en jour. Qui sont les survivalistes ? Quelles sont leurs motivations ? Sont-ils des individus lucides et prévoyants ou de nouveaux fanatiques de l’apocalypse ? Des Robinsons postmodernes ou des paranoïaques va-t-en-guerre ? Découvrez la première analyse de ce phénomène qui ne connaît plus de frontières, de la Silicon Valley aux endroits les plus reculés de la planète… et préparez-vous au pire !
Petit résumé commenté :
Comme le dit l’auteur,
Le survivalisme désigne une pratique, mais aussi un mode de vie : se préparer à un futur négatif, en tout cas à des crises, des accidents, des catastrophes.
C’est un terme qui est né dans les années 60, inventé par un libertarien de l’extrême droite américaine. Il s’appelait Kurt Saxon et voulait désigner par là ce que l’on doit faire pour se préparer aux crises, ce dont on n’est, selon lui, plus capable dans les années 60. A l’époque, pour Saxon, les crises, c’est essentiellement une menace communiste et migratoire. Pour lui, l’Américain doit retrouver le modèle de pionnier du Far West, savoir se débrouiller – excusez-moi l’expression – avec sa bite et son couteau.
Des origines idéologiquement marquées…
D’après Saxon, pour survivre aux menaces, il fallait savoir faire cuire ses haricots, avoir toujours une arme sur soi, etc. Alors que pour Don Stephens, un éco-architecte par qui il était assisté dans ses séminaires, il fallait avant tout se retirer loin des villes, parce que c’est en ville que résident tous les dangers. Pour ce survivalisme marqué par la menace de la guerre froide, si une bombe tombait, elle allait forcément tomber en ville. Il fallait donc la fuir.
Un changement de paradigmes des peurs…
Aujourd’hui, les peurs ont changé. C’est notamment la crise de 2008 qui a fait évoluer le mouvement du survivalisme en néo-survivalisme. La crise avait touché tout le monde, donc tout le monde pouvait devenir survivaliste. Il n’était alors plus important d’être un WASP (White Anglo-Saxon Protestant) pour être survivaliste quand tout le monde pouvait être touché. Ce néo-survivalisme ne va plus nécessairement s’attarder sur une grande apocalypse nucléaire, mais aussi sur les micro-crises : comment faire si je perds mon emploi, comment faire si j’ai un accident de la route au milieu de la campagne, etc. La philosophie un peu xénophobe et suprématiste du survivaliste terré dans son bunker a donc disparu. Maintenant, on voit apparaître des pratiques plus écolos, qui vont parfois jusqu’au zadisme.
Vers les réseaux apprenants et résistants…
Être survivaliste aujourd’hui – c’est pour cela que Bertrand Vidal parle d’enromancement dans son livre – c’est aussi faire de la prospective, se raconter des histoires. Ce qu’il y a d’essentiel, c’est de s’exprimer sur des blogs, des chaînes Youtube, ou de se mettre en scène en situation de survie : « comment je suis capable de faire un feu avec des morceaux de cailloux et de bois », ou avec mon fire steel, cet instrument qui permet de faire une étincelle. Il y a donc un changement de dimension, un changement de pratique, mais certaines idées résistent chez les survivalistes, notamment la peur du monde urbain. Dans le fond, il faut toujours retrouver le sauvage, le primitif qui sommeille en soi. Cette fois, ce n’est plus parce que des bombes vont tomber sur la ville, mais parce que la ville fait de nous des assistés, des « prisonniers du confort ».A l’origine, oui, notamment chez Kurt Saxon.
Il y avait en effet l’idée que seul un individu pourra survivre, et aussi cette haine, voire cette peur de l’autre, un ennemi à la survie. Il fallait vivre le plus loin de tout. Mais aujourd’hui, et c’est en cela que je note un changement, les survivalistes contemporains ne sont plus individualistes. Il en reste, mais ceux que j’ai rencontrés et étudiés sont désireux de partager. Le Réseau survivaliste francophone est vraiment pour moi le centre de cette mutation d’un individualisme à quelque chose de plus ouvert, de plus collectif, qui est calqué sur l’American Network To Survive (ANTS), qui reprend le même symbole, la fourmi, et qui s’organise en colonies. L’ANTS, c’est un lieu d’échange d’angoisses et d’astuces, de conseils de survie, etc.
Des questions de fond…
Dans leur vision de l’avenir, dans leur futurologie noire, les survivalistes se disent : si je suis le seul à survivre, si je suis le seul à avoir ma base autonome, bien équipée avec l’électricité, l’eau… eh bien peut-être que mon conjoint et mes enfants, peut-être que mes voisins, mes amis, vont devenir des ennemis à ma survie, ce qu’ils appellent des « zombies ». Les néo-survivalistes partagent donc leurs angoisses, sur les réseaux sociaux et dans les stages de survie, mais aussi et surtout leurs astuces : quel est le meilleur coin pour la survie en France, en Europe, aux Etats-Unis… Énormément de sites conseillent par exemple la Nouvelle-Zélande. Quand on fait une base autonome durable, on ne la fait donc plus seul, on implique sa famille, ses voisins… Le jour où ça ira mal, on aura ainsi moins d’ennemis.
Convergence des cultures fictionnelles et confidentielles…
Il y a effectivement des feedbacks entre la culture survivaliste et la culture contemporaine, l’air du temps, en fait. Je pense sincèrement que nous ne croyons plus au grand mythe du progrès, qui nous animait jusqu’alors, qui soutenait toutes les grandes utopies politiques, scientifiques, industrielles, techniques… C’est un mythe qui naît au XVIIème, XVIIIème siècle, et qui considérait que demain serait meilleur qu’aujourd’hui. Ce qui a fécondé les rêves et les espoirs de l’humanité, la possibilité du communisme, la possibilité, comme le disait Condorcet, de la mort de la mort… Aujourd’hui, on n’est plus du tout dans cette idée-là : on est dans un imaginaire du regret, du « c’était mieux avant », et, en tout cas, on ne voit plus dans l’avenir des lendemains qui chantent. C’est pour cela qu’il y a cet échange entre la culture survivaliste et la culture populaire.
Un retour à l’idée de retour à l’état de nature… Mais Quelle nature ?
Au-delà du survivalisme, est-ce qu’on ne constate pas dans toute la société une renaissance de l’idée de « retour à la nature », dans un monde de plus en plus dominé par la technique ? De l’écologie à, justement, des mouvements comme le survivalisme ?
Nous vivons un grand renversement. En fait, derrière ce climat catastrophiste, des prévisions scientifiques de l’horloge de l’apocalypse à la multiplication des séries, des films, des comics et des œuvres culturelles sur la fin du monde, il y a la mise en cause, dans notre imaginaire social, des bienfaits du progrès : science, industrie, technique… Aujourd’hui, tout ce qui est synonyme de progrès nous fait peur : la science ouvre la porte aux manipulations génétiques et à la création de nouvelles épidémies ; quand on évoque l’industrie, c’est pour dire : pollution, délocalisation, etc. ; la technique est aussi prise dans cette spirale négative et n’est plus qu’aliénante… En réaction, on se dit ainsi qu’un retour en arrière ou un retour à la nature ne seraient pas forcément pire. Il y a une certaine nostalgie.
Mais quand des cultures comme celles des survivalistes s’emparent de cette idée, il s’agit d’un passé fantasmé – le « bon vieux temps » – et d’une nature idéalisée, dotée des valeurs inverses que l’on prête à notre société sur le déclin : une nature merveilleuse, bienfaitrice, luxuriante… Nous sommes loin de la nature que nos ancêtres ont vraiment affrontés, et encore lus loin de celle qui nous attend si tout s’effondre…
Un mouvement qui va muter à mesure que ses idées vont gagner naturellement le grand public sous la pression des réalités…
Merci Bertrand Vidal, pour votre ouvrage éclairant et… Vital !
Bertand Vidal est sociologue et chercheur à l’université Paul Valéry de Montpellier. Il s’est imposé comme une référence incontournable dans l’étude du phénomène survivaliste et intervient régulièrement dans de nombreux médias comme Le Monde, Libération, Vice ou Les Inrocks.
© Franck Sallaberry pour L’Académie de Collapsologie.
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